Des animaux disparus ... encore présents
La toponymie, dans le massif du Ballon d’Alsace, fait référence à des animaux sauvages dont les plus mythiques sont l’ours et le loup.
La présence de l’Ours brun dans les Vosges est attestée à la fin du 6ème siècle par Venantius Fortunatus. En 1510 une enquête faite à Giromagny par le Bailly de Belfort révèle que jusqu’à cette époque les Rosemontois abattaient les ours dans leur finage et que les pattes et la tête devaient être apportées au château de Belfort. L’ours était encore au nombre des animaux d’Alsace au début du 18ème , et George Simon, dans ses Souvenirs, rapporte que son grand-père, né en 1772, lui a dit avoir assisté à la dernière chasse du dernier ours dans la vallée de Saint-Antoine.
L’ours a laissé sa trace dans les noms de lieux : étang de l’Ours à Lachapelle sous Chaux, le passage de l’Ours à Plancher les Mines, le ruisseau de Baerenbach et la ferme du même nom près de Sewen, le sommet du Baerenkopf et les chaumes des Bers, près du Rouge-Gazon. Le mot Perches dans les lieux dits lac des Perches, tête des Perches, serait une francisation erronée, due à l’accent alsacien, du mot Bers faisant allusion à l’ours, baer en alsacien.
Le Loup semble s’être implanté dès les temps préhistoriques et avoir pullulé durant tout le Moyen Age. Au 16ème siècle, des récits dramatiques de loups semant la terreur de village en village contribuèrent à rendre impopulaire cet animal, qui fut pourchassé jusqu’à son élimination définitive au début du 20ème siècle. Sa présence est confirmée par les noms de lieux : les Prés-le-Loup à Chaux et à Sermamagny, le Trou du Loup à Giromagny, le Champ-la-Louve à Lamadeleine, la Pierre au Loup à Vescemont, les rochers du Goulot des Loups dans la vallée du Rahin. A Sentheim, le lieu-dit Wolfloch signifie le Trou du Loup, de wolf : loup, loch : trou.
L’homme n’a pas seulement détruit les carnivores dangereux, mais aussi par goût de la chasse, la plupart des ongulés sauvages qui peuplaient le massif.
L’Urus était présent dans la région, comme ses restent l’attestent, à l’époque préhistorique. Il a été décrit par César au 1er siècle et au 7ème par Fontunatus. Il semble avoir disparu vers le 10ème siècle. Les noms de l’Ochsenfels, près de Thann, et de l’Ochsenstein à Dolleren sont peut-être des souvenirs de ce bœuf sauvage qu’était l’urus (ochs signifiant bœuf en alsacien), de même que le Plain des Bœufs près du Ballon de Saint-Antoine.
Le Bison a survécu aux temps préhistoriques mais sa présence, encore attestée au 7ème siècle, ne semble pas avoir dépassé cette époque.
Le Bouquetin est resté présent après les temps préhistoriques jusqu’au 18ème siècle. Le dernier fut tué en 1798 dans le val de Munster. La dénomination de Bocksberg, dans la vallée de Masevaux, est probablement un souvenir de cette espèce, bock signifie bouc en alsacien.
Le Cerf, très abondant depuis la préhistoire et pendant tout le Moyen Age, ne résista pas aux chasseurs, avec la fin des privilèges qui réservaient aux seigneurs le droit de chasse. Selon l’annuaire du Haut-Rhin, en l’an II (1804) le département n’en comptait plus que quelques paires isolées sur les croupes des montagnes de Saint-Amarin. Le cerf a laissé lui aussi sa trace dans les noms de lieux : la Roche du Cerf à Lepuix-Gy, et sur le mot alsacien hirtz, le cerf, l’Hirschenland à Sewen, le Hirtzfels sur le Rossberg, le Hirtzenstein à Wegscheid, le Hirtzensprung et le Hirchbach dans la vallée de Saint-Amarin.
Le Cheval sauvage vivait encore librement dans les Vosges au 16ème siècle. Il est difficile de dire à quelle époque et pour quelle raison il disparut de la région. Il se peut que le Rossberg, la montagne du cheval, lui doive son nom.
L’Elan et le Renne existaient encore dans nos forêts vosgiennes aux temps des romains. Mais si l’élan était encore présent au 6ème siècle le renne ne semble pas avoir résisté bien longtemps sous nos climats à l’époque historique . Ces animaux n’ont pas laissé de trace dans la toponymie.
Il en est de même pour d’autres animaux qui pourtant constituaient des populations importantes dans la région.
Ainsi, la Loutre, qui peuplait toutes les rivières, fut chassée à outrance pour sa fourrure. Dès le 16ème les loutriers la capturaient pour leur commerce. Cette chasse s’accélère entre 1880 et 1930, période pendant laquelle 3 à 4000 loutres étaient tuées chaque année en France. Devenue rare dans la région du Ballon d’Alsace à partir des années 1940, elle est considérée comme disparue depuis 1950.
Le Castor habitait lui aussi les rivières de France. Un diplôme de l’empereur Henri II , datant de Mai 1004, mentionne qu’à cette époque, dans la forêt de la Hardt, le castor était aussi commun que le chevreuil, le cerf ou le sanglier. Pourchassé lui aussi pour sa fourrure et sa chair, il semble avoir été en régression à partir du 18ème siècle et avoir disparu du Ballon d’Alsace depuis une date qu’il est difficile de préciser. Réintroduit en 1971 il s’est acclimaté sans problème dans la vallée de la Doller.
Autre réintroduction réussie le Lynx, voir ci-dessous.
Source : Le Ballon d'Alsace, édition NEO