Le grand tétras
Le Grand Coq de Bruyère ou Grand Tétras est le plus gros gallinacée d’Europe. Comme ses cousins, le Tétras lyre, la gélinotte et le lagopède, il est lié à un milieu stable. Dès lors que la structure est bonne : couvert arborescent de 60 à 70 %, myrtille ou strate herbacée, mélange d’arbres de différentes tailles, on le rencontre dans des milieux très différents, de la taïga froide et humide de Scandinavie aux pinèdes sèches et chaudes des Pyrénées orientales, en passant par les forêts marécageuses de la Bialowieza. Pourtant ce bel oiseau, autrefois réputé pour ses couleurs chatoyantes et pour sa chair raffinée, est aujourd’hui l’objet de mesures de protection. Il a déjà disparu de certains pays d’Europe comme l’Ecosse, l’Angleterre et la Belgique. Partout ailleurs il est en forte régression, en particulier dans les Vosges où l’essentiel de sa population se concentre dans le massif du Ballon d’Alsace.
Cette fragilité s’explique par les mœurs de cet oiseau, qui a besoin d’un milieu stable et qui supporte mal d’être dérangé. L’hiver il vit dans les arbres dès que la neige recouvre le sol, passant de perchoirs de nourrissage (pins ou sapins) à ses perchoirs de repos (hêtres, érables, pins). Il se nourrit essentiellement d’aiguilles de résineux, assez pour obtenir l’énergie suffisante à sa survie, dans les meilleures conditions de tranquillité. A l’arrivée des beaux jours, il investit un vaste domaine, qu’il parcours généralement à ‘’pied’’. Ses pattes puissantes, courtes et dotées de 3 forts doigts aux ongles épais et d’un quatrième peu visible à l’arrière, sont bien adaptées à la marche ou à la course. Il vit toute la journée au sol, se camouflant dans les hautes herbes et les buissons bas d’où il jaillit en vol s’il se sent menacé. Il se perche le soir dans les hêtres ou les pin à l’abri des prédateurs.
Mais ce qui fragilise surtout le Grand Tétras, ce sont ses mœurs nuptiales. Le domaine vital d’un oiseau est de 20 à 160 ha selon la qualité du milieu. A la saison des amours, tout s’organise autour d’une ‘’place de chant’’ où les coqs se rassemblent pour parader, et qui le centre de gravité d’uns sous-population. Chaque matin ils dansent, chantent, combattent parfois, pour défendre chacun la petite place qui deviendra son territoire. Une hiérarchie s’instaure, présidée par un ou deux coqs dominants. Ce sont eux qui sont choisis par les femelles pour l’accouplement. De cette manière, la sélection naturelle répond au besoin de transmettre à la descendance la meilleure capacité à survivre. Il est évident que toute intrusion sur la place de chant pendant cette période compromet la reproduction des Tétras pour une année entière.
Il est facile d’énumérer les causes de la régression du Grand Tétras. Ce sont en premier lieu les activités humaines : travaux forestiers, travaux agricoles, loisirs d’hiver (téléskis, ski de fond et de randonnée, raquettes) et d’été (randonnée, VTT, cueillette des myrtilles, des champignons ….) A cela il faut ajouter la fragilité naturelle de l’espèce : 20 à 40 % des poules se reproduisent et 20 % des poussins survivent à la fin de la première année. Par contre, un oiseau adulte bien stabilisé dans son territoire à un taux de survie de 90 %.
Source : Le ballon d'Alsace, éditions NEO